lundi 17 janvier 2011

L'envers de moi

"Photographier l'autre", ce sera le prochain thème du cours pour ce trimestre avec auparavant un petit détour par l'autoportrait. C'est bien connu : "Je est un autre"...

Les envies et les contraintes
Autoportrait donc, d'accord. Un sujet intéressant mais en ce qui me concerne avec plusieurs contraintes :
- Si je trouve l'idée de prendre des photos moi assez motivante, je n'ai pas forcément envie de montrer ces portraits sur internet. Mais je ne me vois pas non plus animer ce site avec un article ou je vous raconte que j'ai pris une super photo de moi, qu'elle est comme ci et comme ça, sans vous la montrer réellement. Donc sur cet autoportrait... je ne souhaite qu'on me reconnaisse pas facilement.
Gary Schneider - Heads - Thomas 2008
- Question technique, je souhaiterais poursuivre les expériences en argentique pour améliorer mon expérience du développement du film et du travail sous l'agrandisseur. Ne sachant pas exactement où je vais il faut donc être prêt à brûler un peu de pelloche pour un résultat incertain.
- Enfin, j'ai longuement ruminé plusieurs idées concernant la mise en scène de cet autoportrait. Pour ce premier essai j'avais envie d'expérimenter des photos prises dans le noir avec une petite lampe de poche qui éclaire mon visage, une sorte de light painting. J'aimerais adapter la technique mise en oeuvre par Gary Schneider : ce photographe prend des photos dans le noir total, illuminant son sujet avec un minuscule filet de lumière. Lors de la prise de vue il explore donc littéralement le corps de l'autre. Au final l'éclairage très particulier et le très longs temps de pose (plusieurs dizaines de minutes) produisent des images très originales et intrigantes.

La technique et les difficultés
Je me lance donc et première difficulté : se positionner par rapport à l'appareil. Il s'agit d'un réflex argentique, donc pas question comme en numérique de faire des images et de vérifier immédiatement si tout est bon. Là, on prend des photos et on aura la surprise lors du développement du négatif...
Deuxième difficulté : la mise au point et le temps de pose. J'essaie de faire une mise au point approximative. Dans le doute, je ferme le diaphragme à f/11 pour avoir une bonne profondeur de champ. Pour ce qui est du temps de pose, ben... c'est la grande inconnue ! Comment estimer la durée d'exposition avec la lumière produite par ma toute petite lampe de poche ? Je l'ai enveloppée dans un papier d'aluminium pour ne laisser échapper qu'un petit filet de lumière. Je choisis de faire des essais à 10, 20 et 30 secondes.
Troisième difficulté : déclencher, s'éclairer, ne pas bouger. Pour le déclenchement j'utilise une petite cellule infrarouge qui permet de démarrer la pose sans intervenir sur l'appareil photo. Après, on s'amuse à s'éclairer et on se rend compte que tenir une pose durant 30 secondes et bouger son bras pour déplacer la lampe de poche ne peut pas se faire sans... bouger la tête. Dès la prise de vue je sais donc  que mes images seront floues mais je décide de poursuivre l'expérience. Pour que les photos ne me représentent pas de façon trop reconnaissable je décide même, sur certaines images, de me tartiner le visage de mousse à raser (ben oui de la mousse à raser. Création quand tu nous tiens !). La mousse à raser est blanche, elle va donc bien réfléchir la lumière. Elle permet aussi de masquer certains traits du visage et de donner plus de "texture" en créant de petits reliefs. En vous racontant tout cela je dois préciser une chose importante : non je ne consomme aucune substance illicite, promis :-)

La déception et... la déception
Voilà. Donc vous imaginez la scène : je suis dans le noir, avec ma mousse à raser de partout, je déclenche l'appareil et j'essaie d'illuminer certaines zones de mon visage. L'expérience s'arrête au bout d'une vingtaine d'images pour deux raisons. La première est que la pile de l'appareil photo lâche, elle était pourtant neuve. Est-ce parce que les longues poses sollicitent trop la batterie ? ou bien l'appareil est-il resté allumé alors que je pensais qu'il était éteint ? Je ne sais pas, toujours est-il qu'au bout de 20 minutes la pile rend l'âme sans prévenir. Je suis pourtant assez content d'arrêter la séance de façon prématurée car un deuxième facteur intervient : la mousse à raser finit par me démanger tout le visage :-)

Le lendemain soir je développe le film et c'est la deuxième déception. Voilà ce que ça donne.

Vous ne voyez rien ?
C'est normal, il n'y a -presque- rien d'enregistré sur le film :-((( Le temps de pose trop court et surtout le diaphragme trop fermé -f/11- font qu'il n'y a presque rien à voir et le négatif est pratiquement entièrement blanc.

La dernière déception et le résultat final
Une seule image semble exploitable, je décide d'essayer d'en faire un tirage quand même au risque de gâcher un peu de bain de développement. Sous l'agrandisseur l'image a l'air finalement intéressante. Assez graphique, on y devine les contours d'un visage et quelques traits bizarroïdes : ce sont les marques laissées par la lampe de poche qui, à un moment ou un autre, a dû involontairement se retrouver face à l'objectif.

Le fameux autoportrait sous l'agrandisseur, l'image est bien sur en négatif.
On voit aussi le margeur qui permet de délimiter proprement le bord des images et,
en haut à gauche, le passe-vue, accessoire bien utile pour couper automatiquement
l'éclairage de l'agrandisseur quand le temps d'exposition choisi est atteint.
Une fois tirée, l'image perd beaucoup de son intérêt. Son côté graphique disparaît car le regard est attiré par les zones claires de l'image, or celles-ci sont floues et indistinctes. Bref, c'est une déception supplémentaire et j'abandonne l'idée de tirer quelque chose d'intéressant de cette image.

Et puis non, quand même, il y a peut-être encore une dernière chose à faire : si l'image en négatif est plus intéressante que la version en positif, pourquoi ne pas faire un tirage papier en négatif ? En informatique pas de souci, en un clic c'est fait, mais avec un agrandisseur on fait comment ? La solution existe même si le cheminement est un peu long : j'ai mon film en négatif qui sous l'agrandisseur donnera un positif sur le papier. Si je prends ce positif et que je le "projette" sur un autre papier photo j'aurai un tirage papier mais cette fois-ci en négatif... Ce procédé, très ancien, reprend les principes des calotypes du XIXème siècle.
Concrètement on fait un sandwich de deux papiers photo. Le tirage positif est placé sur une feuille photo et on expose le tout à la lumière de l'agrandisseur. Le temps d'exposition n'est pas facile à déterminer et on perd bien entendu en "résolution" (avec une montée importante du grain car on cumule le grain du film avec celui du papier). Mais comme mes images sont floues c'est un inconvénient qui n'a pas beaucoup d'importance ici :-)

Donc, après plusieurs heures de travail, voici enfin le résultat tant attendu.
Pam-pam-pam ! Roulements de tambours.
Canon Eos 100 - Zoom 30-80mm - 50mm à f/11 - Pause de 30 secondes
Filtre grade 1- Premier tirage papier 13x18 : 25 secondes à f/8 - Contretype pour obtenir un positif : 20 sec. à f/2.8

Bon, à première vue on n'a pas l'impression qu'il faut des heures pour obtenir ça.
A deuxième vue on se dit qu'il y a une certaine marge avant d'obtenir des résultats qui se rapprocheraient de Gary Schneider.
A troisième vue on se demande qui est sur l'image.
L'objectif est donc en partie atteint : c'est un autoportrait où je suis très clairement... méconnaissable :-)

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